Tout savoir sur le financement des prestations de santé
Le peuple vote le 24 novembre sur un nouveau système de financement de la facture sanitaire.
Le financement «moniste» des prestations, le Parlement en a parlé pendant près de 15 ans à la suite d'une proposition de la conseillère nationale du Centre, Ruth Humbel (C/AG). L'année dernière, les Chambres fédérales ont mis un terme à ce dossier en votant le financement uniforme des prestations de santé, une réforme de la loi sur l'assurance-maladie (LAMal), qui répond à l'acronyme d'EFAS.
Trois façons de financer
Pour tenter de faire simple, il existe actuellement trois façons de financer les prestations de santé en fonction du contexte. Les soins ambulatoires (cabinet médical ou thérapeute sans nuitée à l'hôpital) sont financés entièrement par le biais des primes et de la participation des assurés. Les soins hospitaliers, avec nuitée à l'hôpital, sont pris en charge par les cantons à hauteur de 55% et le reste par le biais des primes. Enfin, concernant les séjours en EMS et les soins à domicile, les patients et les caisses maladie paient un peu plus de la moitié et les cantons financent le reste à travers l'impôt.
Sur 44 milliards de francs
Selon les chiffres de 2022, les soins ambulatoires se sont élevés à quelque 23 milliards de francs, les soins hospitaliers à 15 milliards et les soins en EMS et à domicile 6 milliards. Ces montants correspondent à des coûts nets, c’est-à-dire après déduction de la participation des patients aux coûts (franchise et quote-part) et après déduction de la contribution des patients aux coûts des soins en EMS et à domicile.
Si cette réforme de la LAMaL passe, le financement sera uniforme pour les trois types de prestations: ambulatoires, hospitalières et en EMS. Les cantons prendront toujours en charge au moins 26,9 % des coûts et les caisses-maladie au maximum 73.1%.
Encourager l'ambulatoire
La réflexion du Parlement et du Conseil fédéral s'articule autour d'une volonté de transfert des soins hospitaliers vers les soins ambulatoires. Selon l'argumentaire du Conseil fédéral et d'Elisabeth Baume-Schneider, le système de financement actuel freine le transfert de l’hospitalier vers l’ambulatoire: «La situation actuelle provoque des incitations négatives, qui se traduisent par un taux d’hospitalisations plus élevé que dans d’autres pays, car il y a trop peu d’intérêt à privilégier les traitements ambulatoires, même s’ils sont souvent plus adaptés pour les patients et moins coûteux. Grâce aux progrès de la médecine, le transfert des prestations stationnaires vers les prestations ambulatoires se produit tout de même, mais très lentement». C'est-à-dire trop lentement: «La réforme encourage les traitements ambulatoires, parce qu’elle supprime les incitations financières négatives qui conduisent à des hospitalisations inutiles».
Des économies potentielles
Le potentiel d’économies de la réforme ne peut être estimé avec précision. Une étude mandatée par l’Office fédéral de la santé publique évoque un montant d'environ 440 millions de francs par an, soit moins d'1% des coûts nets considérés. Toutefois, dans son message, le Conseil fédéral reste évasif: ce potentiel «ne peut être estimé avec précision, puisqu’il dépend de la manière dont les divers acteurs vont réagir aux nouveaux incitatifs». Mais il pense que «les primes devraient être inférieures dans le cadre du financement uniforme qu’en cas de maintien du système de financement actuel».
La majorité du Parlement, le Conseil fédéral, les cantons, la fédération des médecins suisses, les pharmaciens, les hôpitaux et une des faîtières des caisses-maladie (Curafutura) soutiennent cette réforme. Ses partisans se sont exprimés lors d'une conférence de presse le 8 octobre avec des représentants de six partis à Berne.
Des milliards pour les caisses
Alors pourquoi un référendum contre ce qui paraît être une simplification du système de financement des prestations de santé ?
Ce sont les milieux syndicaux qui ont lancé un référendum: le Syndicat suisse des services publics (SSP) soutenu par l'Union syndicale suisse (USS), Unia ainsi que des représentants des Verts et du PS. Ils constatent que si la réforme passe: «les cantons devront se limiter à payer la facture établie par les caisses-maladie, tandis que les assureurs pourront piloter financièrement le système et servir leurs propres intérêts». En lieu et place des cantons, «la réforme prévoit que les caisses maladie gèrent 13 milliards de nos impôts, en plus des 35 milliards de francs de primes. C’est une boîte noire: le contrôle démocratique sur la gestion de cet argent serait largement diminué».
Probables pressions sur le personnel
Selon eux, la baisse du financement par les cantons signifiera une hausse des primes. Et de citer l'autre faîtière, Santésuisse, qui a estimé que les primes augmenteraient plus rapidement avec la réforme que sans. Pour eux, le nouveau système «déroule le tapis rouge aux investisseurs intéressés par les bénéfices que les soins aux aînés peuvent générer». La réforme a été faite par «le lobby des cliniques privées et des organisations d’aide et de soins à domicile à but lucratif, avec le soutien des caisses maladie». Et ce, avec la même logique «que celle qui conduit les hôpitaux publics à licencier du personnel pour faire des économies».
Plus à payer pour les patients
Par ailleurs, les patients des hôpitaux devraient être appelés à payer davantage de leur poche avec une nouvelle manière de calculer. En cas d’hospitalisation, la franchise et la quote-part seront désormais prélevées sur l’ensemble des frais de traitement, au lieu des 45 % actuels. «Une opération de l’appendicite pourrait coûter près de 400 francs de plus pour une personne», note le comité référendaire.
Le poids des EMS sur les primes
Enfin, les dépenses pour les soins en EMS, qui ont été intégrées à la fin dans le projet du Parlement, risquent de peser lourd avec le vieillissement prévisible de la population. Alors que les cantons réduiront leur participation d'environ 30%, ces dépenses vont se reporter sur l'ensemble des assurés et contribuer à de nouvelles hausses de primes plutôt que le contraire.
Beaucoup d'indécis
Lors du premier sondage Tamedia/20 minutes sur cet objet, la population était divisée: 38% pour, 38% contre et 24% d'indécis.
auteur : Éric Felley source : https://www.lematin.ch/story/votations-federales-tout-savoir-sur-le-financement-des-prestations-de-sante-103200639